Avec le projet de réforme des retraites, les professions libérales s’estiment lésées. La création d’un régime universel de retraite aurait pour effet de traiter tous les actifs de façon uniforme.
Le rapport de préconisations de Jean-Paul Delevoye propose « un barème de cotisations adapté dans lequel l’équité avec les salariés est d’avantage recherchée ». A cet argument, les professions libérales, mobilisées contre le projet en septembre, opposent leur différence. La retraite des salariés dispose d’un double financement : les cotisations des salariés et celles de leur employeur. Or, les professions libérales assument seules cette charge.
Comme les salariés, ils devraient cotiser au taux de 28,12 %. Toutefois, ils devraient le faire sur la part de revenu professionnel égal au plafond de la sécurité sociale (soit 40 524 € par an en 2019). Pour la partie comprise entre une et 3 fois le plafond (entre 40 524 €et 121 572 € par an en 2019), le taux de la cotisation serait de 12,94 % et au-delà à 2,81 %.
Pour beaucoup de professions libérales (et en particulier les avocats, les infirmiers et les kinésithérapeutes), la réforme impliquerait une hausse très forte des cotisations. Selon la Caisse Nationale des Barreaux Français (CNBF), le taux de cotisations doublerait : d’une moyenne de 14 % des revenus, il passerait à 28 %, une hausse pouvant mettre en péril les petits et moyens cabinets.
Les régimes autonomes des professions libérales ont tous un point commun. Ils ne font pas appel à l’aide d’État ni aux autres régimes pour se financer. Et beaucoup d’entre eux, grâce à une gestion stricte, ont des réserves financières. À la CARMF (Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France) par exemple, celles-ci s’élèvent à 7 milliards d’euros. À la Caisse Nationale des Barreaux Français (CNBF), elles s’élèvent à 2 milliards d’euros.
Or, avec la fusion des 42 régimes de retraite existants en un seul, ces réserves seraient mises dans le pot commun. Elles pourraient servir alors à « éponger » les déficits des régimes dont la gestion a été moins vertueuse. C’est en tout cas ce que craignent les régimes excédentaires.
Le 3 octobre 2019, le Président de la République a promis à Rodez, lors du premier grand débat, de ne pas toucher aux réserves. Les régimes les ayant constituées en resteraient propriétaires. Toutefois, elles pourraient servir à financer les hausses de cotisations… Cette solution peut-elle rassurer l’opposition des professions libérales ? Les réserves ont été constituées pour assurer l’équilibre financier des régimes face aux aléas démographiques et non pour financer la transition impliquée par la mise en place du régime universel. Affaire à suivre !
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